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LIVRE II, CHAP. II

et ils conquirent rapidement le pouvoir dans l’État, alors qu’ils semblaient ne faire que le servir. L’édifice de leur ploutocratie choquante et stérile n’est pas sans analogie avec celle des modernes spéculateurs de la Bourse.

Terres publiques.Les tendances nouvelles en matière de finances sont plus manifestes encore dans le mode de gestion qui a été adopté pour les terres publiques : c’est par là que va presque aussitôt s’ensuivre, matériellement et moralement, la suppression totale des classes moyennes. Jadis, l’usage des pâturages communs et des domaines de l’État était, de sa nature, un privilège attaché au droit de cité : lorsqu’un plébéien y avait part, ce ne pouvait être que par dérogation à une loi formelle. En dehors des assignations, qui en faisaient entrer des parcelles dans le domaine privé, il n’existait pas, sur le domaine public, au profit des simples citoyens, d’usages fonciers fixes et incommutables à l’égal de la propriété. Aussi, tant que ce domaine resta ce qu’il était à l’origine, il dépendit du bon plaisir du roi d’en concéder ou d’en restreindre la jouissance commune ; et je ne fais pas doute que souvent, dans l’exercice de son droit ou, si l’on veut, de sa puissance, le souverain n’ait accordé certaines concessions usagères même à des plébéiens. Mais, à l’avènement de la république, la règle, est renforcée aussitôt : l’usage des pâtures publiques n’appartiendra jamais qu’au citoyen du droit meilleur [optimo jure civis], au patricien. Si le sénat, à son tour, tolère comme autrefois certaines exceptions en faveur de quelques maisons plébéiennes plus riches, et qui sont entrées dans ses rangs, il n’en est point ainsi pour les petits propriétaires ruraux, pour les manœuvres de la culture, pour ceux, enfin, ayant le plus besoin des jouissances usagères : leur exclusion est formelle autant que préjudiciable. Jadis, les troupeaux menés à la pâture payaient une modique redevance [scriptura], trop minime, sans