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CHANGEMENTS DANS LA CONSTITUTION

leurs conseils les consuls annuels, comme jadis ils avaient conseillé les rois. Leurs votes furent recueillis par les nouveaux magistrats suivant le mode ancien, et tout fait croire que c’est aussi à la royauté qu’il convient de faire remonter la révision de la liste des sénateurs, laquelle se faisait en même temps que le cens, révision quadriennale, par conséquent, à la suite de laquelle il était pourvu aux sièges vacants. Le consul, pas plus que le roi, n’était membre du sénat : sa voix n’y comptait point. Quant aux conditions à remplir pour y entrer, elles n’avaient jamais été fixées : de simples habitants s’y virent admettre, sans qu’il eût en cela innovation (I, pp. 93, 128). Mais voici quel fut le réel changement et le fait grave. Tandis que sous la royauté les non-patriciens n’avaient pénétré dans le sénat que dans quelques cas isolés, exceptionnels, aujourd’hui les plébéiens s’y virent appelés en grand nombre ; et si la tradition ne nous induit pas en erreur, de ses trois cents membres d’alors, la moins forte moitié seule était encore composée d’anciens pleins citoyens ou pères (patres) ; cent soixante-quatre places appartenaient aux nouveaux admis, et enregistrés comme tels (conscripti) ; d’où vint, dans les allocutions qui leur étaient adressées, l’usage de les appeler pères, conscrits (patres [et] conscripti).

D’ailleurs, toutes choses, dans le gouvernement de la nouvelle République, suivirent autant que possible les anciens errements. La révolution fut essentiellement conservatrice : elle ne répudia aucun des éléments essentiels de la machine politique antérieure : c’est là son plus remarquable caractère. Loin que, comme le disent les pauvres documents si profondément falsifiés qui nous restent, l’expulsion des Tarquins ait été l’œuvre d’un peuple fanatisé par la pitié et l’amour de la liberté, elle a été le prix de la lutte entre deux grands partis politiques, ayant tous les deux l’entière conscience de leur