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LIVRE II, CHAP. VII


précipitant soudain, à la façon des pirates, sur les navires de la République, un violent combat s’engage où les Romains surpris ont le dessous : cinq vaisseaux sont Capturés ; les hommes du bord tués ou vendus comme esclaves. L’amiral Romain avait péri dans la mêlée. Une aussi lâche agression ne s’explique que par la suprême sottise et la suprême mauvaise foi d’un gouvernement de démagogues. Les traités revendiqués appartenaient à un passé depuis longtemps accompli et oublié : ils n’avaient plus aucun sens, dans tous les cas, depuis les établissements Romains créés à Séna et à Hatria. Les Romains avaient pleine foi dans l’alliance existante, quand ils cinglaient vers le golfe ; et il était pour eux du plus grand intérêt, la suite le fit bien voir, de ne point fournir aux Tarentins l’occasion d’une déclaration de guerre. Quant aux hommes d’État de Tarente, en armant contre Rome, ils ne faisaient, certes que ce qu’ils auraient dû faire depuis longtemps : que si encore, au lieu de se placer sur le terrain solide des nécessités politiques, ils préférèrent se retrancher dans une question de forme et dans une prétendue violation des traités, l’histoire ne leur en fera pas un grave reproche. La diplomatie a toujours regardé comme au-dessous de sa dignité de dire simplement la vérité simple. Mais il fallait être fou et barbare à la fois pour attaquer par surprise, avec le fer et le feu, une flotte qu’on pouvait aussi bien sommer de reprendre la route de l’ouest. Ainsi tombe dans le crime et la sauvagerie toute société où les mœurs perdues cessent un jour de peser sur le gouvernail. Ainsi reparaît aussitôt la brutalité toute nue de l’homme, opposant par là un démenti cruel à ces opinions naïves qui attribuent à la civilisation seule le don merveilleux de déraciner à toujours les instincts de la bestialité. Quoi qu’il en soit, les Tarentins, comme s’ils n’eussent point assez de ce beau fait d’armes, coururent ensuite à Thu-