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LIVRE II, CHAP. VII

Le Lagide s’entendait mieux que personne à tirer bon parti ; peur sa politique, d’un caractère ardent comme celui du jeune prince Épirote. Acquiesçant au désir de la reine Bérénice, sa femme, et, poursuivant l’accomplissement de ses propres desseins, il marie Pyrrhus à sa belle-fille Antigone, et lui facilite par son appui296 av. J.-C. matériel et son influence, le retour dans sa patrie (458). Tous les anciens sujets de son père volent vers lui. Les Épirotes, ces Albanais de l’antiquité, lui apportent leur fidélité et leur bravoure héréditaires ; ils suivent joyeux leur jeune héros, leur aigle, comme ils l’appellent.297. Cassandre venait de mourir (457) : sa succession en Macédoine faisait naître de nouveaux troubles. Pyrrhus saisit l’occasion de s’agrandir : il s’empare successivement de toutes les côtes, avec les places commerciales importantes d’Apollonie, et d’Épidamne [Durazzo], avec les îles de Lissus et de Corcyre ; il s’étend jusque dans le pays Macédonien, et, au grand étonnement des populations, il tient tête aux forces démesurément supérieures de Démétrius. La folie de ce dernier le précipite à son tour à bas du trône ; et son chevaleresque rival, le parent du grand Alexandre est invité à y monter287. après lui (467). Certes, nul prince mieux que Pyrrhus ne méritait de ceindre le diadème de Philippe et du vainqueur des Perses. Dans ce temps de décadence profonde ; où royauté et lâcheté devenaient synonymes, Pyrrhus brillait entre tous par l’attrait d’un caractère jusque-là sans tache. Il était bien le roi pour ces libres paysans de la vieille Macédoine, qui, si appauvris et amoindris qu’ils fussent, avaient conservé intactes et les bonnes mœurs et la bravoure traditionnelles, ailleurs tombées en désuétude depuis les partages de la Grèce et de l’Asie entre les Diadoques. Facile d’abord ; le cœur franc et ouvert ; comme le grand Alexandre, recevant sous son toit ses amis et ses familiers, Pyrrhus avait re-