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LIVRE II, CHAP. VII


enfin, pour juger, de se placer par la pensée sur la ligne entre le possible et l’impossible, laquelle sépare aussi le héros du coureur d’aventures, il faudra bien donner ce dernier nom à Pyrrhus, et ne pas le ranger à côté de son illustre parent ; pas plus qu’on n’irait mettre, par exemple, un connétable de Bourbon à côté d’un Louis XI. Et pourtant, il s’attache un merveilleux prestige au nom de l’Épirote : la postérité a pour lui des sympathies, soit à cause de son génie aimable et chevaleresque, soit plutôt à raison de ce que, le premier parmi les Grecs, il a tourné ses armes contre les Romains. À dater de lui, commencent, entre Rome et la Hellade, ces contacts ou ces chocs plus sérieux qui déterminent tout le progrès ultérieur de la civilisation antique, et, pour une bonne partie, celui des sociétés modernes. La lutte entre la phalange et les cohortes, entre les armées mercenaires et la landwehr Romaine, entre un roi soldat et le gouvernement sénatorial, entre le talent d’un seul individu et la force compacte de toute une nation : le combat enfin entre Rome et l’Hellénisme, se vident tout d’abord sur les champs de bataille où Pyrrhus croise le fer avec les généraux de la République. Le vaincu, plus tard, aura beau en appeler encore à la décision des armes ; toutes les journées qui suivront confirmeront purement et simplement la sentence. Mais si les Grecs succombent et dans la mêlée des combats, et devant Le sénat, ils remporteront une victoire éclatante sur le terrain d’une autre lutte, qui, cette fois, n’a plus rien de politique. Dès les premières guerres, on pressent l’effet de plus douces influences : le triomphe de Rome sur les Hellènes ne ressemblera pas à ses triomphes sur les Gaulois et les Carthaginois : à peine auront été déposés les lances brisées, les boucliers et les casques, que l’on verra Vénus-Aphrodite s’avancer dans la toute-puissance de ses charmes entre les vaincus et les vainqueurs.