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LIVRE II, CHAP. VII

contre Rome, et de mettre fin à la piraterie sur les deux mers. Les ambassadeurs venus d’Italie, Bruttiens, Lucaniens et Étrusques, qui affluaient à Babylone parmi ceux de tous les autres peuples, lui apportèrent un sérieux motif de se renseigner sur l’état des choses dans la Péninsule et d’y établir des relations[1]. Quant à Carthage, ses rapports avec l’Orient étaient trop étroits pour qu’elle n’attirât pas les regards du puissant monarque. Alexandre avait sans doute la pensée de convertir en une domination réelle la suzeraineté purement nominale revendiquée sur la colonie Tyrienne par le roi des Perses. Les Carthaginois avaient conçu de vives craintes, et l’on voit un espion Phénicien se glisser dans l’entourage immédiat du Macédonien. Projets sérieux ou simples rêves, tout cela s’évanouit à l’heure où Alexandre descendit dans le tombeau, sans avoir jamais touché aux affaires d’Occident. Il n’avait été donné que pour un petit nombre d’années à un héros Hellène de tenir réunies dans la même main les forces intellectuelles de la Grèce et les forces matérielles de l’Orient. Lui mort, toutefois, l’importation de l’hellénisme en Orient, cette œuvre grandiose de sa vie, ne fut point anéantie, tant s’en faut. Seulement l’unité à peine fondée de son empire se divisa aussitôt ; au milieu des haines et des querelles constantes qui agitèrent les divers États construits sur ses ruines, ceux-ci allèrent s’éloignant de leurs destinées pre-

  1. Les Romains eux aussi ont-ils envoyé une ambassade à Alexandre ? Clitarque l’a dit (Pline, Hist. nat., 3, 5, 57) ; et son unique témoignage a inspiré tous ceux qui en ont parlé après lui (Aristos, et Asclépiade, dans Arrien : 7, 15, 5. — Memmon, c. 25). Sans doute Clitarque était un contemporain ; mais malheureusement sa biographie d’Alexandre ressemble à un roman plutôt qu’à une histoire. Les écrivains sérieux sont muets à cet égard (Arrien, loc. cit. : Tite-Live, 9, 18) : et quand on voit ce même Clitarque ajouter le détail d’une couronne d’or envoyée par les Romains à Alexandre, puis celui d’une prophétie dans laquelle le roi annonce la grandeur future des Romains, on ne peut s’empêcher de ranger tout cela parmi les contes et les broderies sans nombre dont l’auteur a voulu illustrer son texte.