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LIVRE II, CHAP. VI

mollesse des mœurs, l’effémination poétique chez les élégants et les lettrés allaient de pair dans la cité Tarentine avec la politique inconstante, arrogante et myope des démagogues : ceux-ci s’affairant là où ils n’avaient rien à voir, et se tenant à l’écart là où les plus graves intérêts leur auraient commandé d’accourir. Après la journée de Caudium, quand les Romains et les Samnites se retrouvèrent en présence au fond de l’Apulie, n’avaient-ils pas envoyé aux deux armées une ambassade leur enjoignant de garder la paix (434320 av. J.-C.) ? Une pareille intervention diplomatique dans la lutte où se jouait le sort de l’Italie n’eut été raisonnable qu’autant qu’à dater de ce jour Tarente aurait eu la ferme pensée de sortir enfin de son inaction. Certes, d’assez puissants motifs l’y poussaient, à quelques dangers, à quelques sacrifices qu’elle s’exposât en prenant part à la guerre ! La puissance de l’État Tarentin sous le gouvernement démagogique ne s’était accrue que sur mer. Une flotte militaire considérable, s’appuyant sur une nombreuse flotte commerciale, avait fait de Tarente la première des cités maritimes de la Grande-Grèce ; mais, pendant ce temps, l’armée de terre, dont l’importance était devenue capitale, avait été absolument négligée, et ne comptait plus que quelques soldats mercenaires. Dans cet état de choses, il y avait réellement difficulté grande à se jeter dans la querelle des Romains et des Samnites ; pour ne rien dire des hostilités tout au moins gênantes des Lucaniens, hostilités attisées avec soin par la politique Romaine. Une volonté forte et tenace pouvait seule triompher de tous ces obstacles. Les deux puissances belligérantes, en recevant l’intimation des députés Tarentins, la regardèrent comme sérieuse. Les Samnites affaiblis se déclarèrent tout prêts à y obtempérer ; les Romains y répondirent en donnant le signal du combat. L’honneur et la prudence, après leur démarche orgueilleuse, commandaient aux Taren-