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GUERRE DE L'INDÉPENDANCE ITALIENNE

pour cette dernière alternative : pour la repousser, il eût fallu un bien grand héroïsme ; et quant au sénat, il obéissait au droit et à la nécessité, en se refusant à sanctionner l’illégalité commise. Quel grand peuple abandonne tout ce qu’il possède, autrement que sous le coup de l’infortune la plus extrême ? Consentir par traité un abandon de territoire, est-ce autre chose que reconnaître l’impossibilité de la résistance ? Un tel contrat n’est nullement un engagement moral à son point de départ. Toute nation tient à honneur de déchirer avec l’épée les traités qui l’humilient ! Comment donc soutenir que l’honneur commandait aux Romains d’exécuter patiemment le pacte des Fourchés Caudines, pacte conclu par un général malheureux, sous la contrainte morale des circonstances ? L’affront n’était-il pas de la veille et brûlant ? Et Rome ne se sentait-elle pas, à cette heure même, puissante et intacte dans sa force ?

Victoire des Romains.La convention des Fourches Caudines n’amena donc pas le calme et le repos qu’avaient follement rêvés les amis de la paix parmi les Samnites. Il n’en sortit que la guerre, et puis encore la guerre, avec ses rigueurs accrues de part et d’autre par le dépit de l’occasion manquée en échange de cette parole solennellement donnée, puis violée, de l’honneur militaire humilié, et des compagnons d’armes livrés à la merci de l’ennemi. Cependant les officiers Romains remis en otage furent rendus par les Samnites, trop généreux pour se venger sur ces infortunés : ils n’auraient pas voulu non plus concéder aux Romains que le traité n’eût obligé que ceux-là seuls qui l’avaient fait, et non la République tout entière. Ils se montrèrent donc magnanimes envers ceux sur qui le droit de la guerre leur avait donné droit de vie et de mort ; et, reprenant les armes, ils marchèrent de nouveau au combat. Ils occupent Lucérie, surprennent Frégelles, et l’emportent d’assaut (434320 av. J.-C.) avant que les Romains