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LIVRE II, CHAP. III

pouvoir anarchique pour contrecarrer l’action des fonctionnaires ou celle même du sénat ! Mais la foi dans son idéal secret, force et impuissance, tout à la fois, de la démocratie, avait fait aussi germer dans les esprits, à Rome, la confiance la plus enthousiaste dans l’institution du tribunat. Est-il besoin de rappeler l’aventure de Cola Rienzi dans un siècle bien postérieur, pour faire voir que tout inefficace qu’elle était au regard des intérêts vrais de la foule, on eût couru le risque d’une catastrophe terrible à vouloir abolir cette magistrature ? On usa donc d’une prudence habile ; et l’on fit acte de bon citoyen, en la laissant subsister, avec ses formes extérieures, au moment même où on l’annulait dans le fond. Au sein de la cité romaine, le tribunat, avec les souvenirs de son ancienne mission révolutionnaire, demeura toujours invoqué, comme l’expression fidèle des antagonismes sociaux, et comme une arme dangereuse et tranchante mise dans la main du parti qui voulait le renversement de l’ordre de choses. En même temps et pour de longues années, l’aristocratie s’en rendit si complètement maîtresse, que l’histoire ne fait plus une seule fois mention d’un acte d’opposition dirigé contre le sénat par tout le collège des tribuns ; et que si, parfois, l’un d’eux vient encore, en enfant perdu, tenter une résistance isolée, ses efforts seront arrêtés sans peine, souvent même avec le concours de ses propres collègues.

Le Sénat. Sa composition.Dans la réalité des choses, c’est maintenant le Sénat qui gouverne sans conteste. Sa composition a été modifiée. Le magistrat suprême avait eu, comme on sait, le libre droit d’élection et d’expulsion des sénateurs ; mais, ce droit, il ne l’avait jamais exercé pleinement, sinon même du temps des rois, du moins après l’abolition de la magistrature souveraine à vie. Il se peut que l’usage soit lié de bonne heure de n’exclure les sénateurs des conseils de la république qu’au moment de la