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LIVRE II, CHAP. I

Tullius n’avait-il pas un instant songé à se démettre ? Tantôt enfin le peuple se révoltait contre la tyrannie du souverain, et le chassait : telle fut, en effet, la loi de la royauté romaine. Que le roman et la légende aient allongé et embrouillé l’histoire de l’expulsion de Les Tarquins chassés de Rome.Tarquin le Superbe, le fait n’en reste pas moins vrai, au fond. La tradition est là qui atteste les fautes de ce prince et la révolte qui s’en est suivie. Il n’interrogeait plus le sénat, et ne le maintenait pas au complet ; il prononçait les sentences capitales et les confiscations sans l’assistance d’un conseil de citoyens ; il accaparait les grains en quantités énormes ; il imposait à tous le service de guerre et les corvées d’une façon excessive. Enfin, rien n’atteste mieux la colère du peuple que le serment prêté par tous et un chacun, tant pour soi que pour ses descendants, de ne jamais accepter un roi dans l’avenir ; que l’institution expressément créée d’un roi des sacrifices[1], ayant pour unique mission de remplacer, auprès des dieux, le médiateur qui venait d’être supprimé, exclu de tous autres offices, à la fois le premier et le plus impuissant des fonctionnaires. Avec le dernier roi fut bannie toute sa gens, ce qui prouve aussi combien les liens de la famille avaient encore de force. Les Tarquins allèrent demeurer à Cœré, leur ancienne patrie peut-être, et où, de nos jours, a été retrouvé leur caveau sépulcral (I, p.169). Deux chefs annuels furent mis à la tête de la cité romaine, et gouvernèrent en lieu et place du souverain unique et à vie. Voilà, d’ailleurs, tout ce que l’on sait de source certaine sur ce grand événement[2]. On comprend que,

  1. [Rex sacrificulus ou rex sacrorum, V. h. v° au Dict. de Smith.]
  2. La fable bien connue de Brutus se fait justice à elle-même : elle n’est pour une bonne partie que le commentaire imaginé après coup des surnoms de Brutus, Scœvola, Poplicola, etc. Et quand la critique s’en enquiert, ceux même de ses éléments qui semblaient d’abord basés sur l’histoire, ne soutiennent pas l’examen. L’on raconte par exemple, que