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LES COMMENCEMENTS DE ROME

Les Titiens et les Lucères.Les Ramniens n’occupaient point seuls les collines Tibérines. La division administrative de l’ancienne Rome la montre sortie de la fusion de trois tribus, peut-être indépendantes à l’origine, celle des Ramniens, celle des Titiens et celle des Lucères. Il s’est passé là un phénomène de synœcisme pareil à celui qui a donné naissance à Athènes[1].

Cette triple division de la cité romaine remonte si haut, qu’elle est passée dans la langue politique. Les mots partager et partie, chez les Romains, expriment à proprement dire le partage par tiers (tribuere, tribus) : seulement et à la longue, comme pour le mot quartier, chez les modernes, le sens primitif spécial s’est perdu dans une acception toute générale, et qui ne tient plus compte du nombre[2]. L’union accomplie, chacune des trois tribus primitives posséda son tiers du territoire commun, et fut également représentée, soit à l’armée, soit dans le conseil des anciens. L’on retrouve aussi la trace du partage tripartite dans tout le système du culte. Les membres des anciens collèges sacerdotaux, les Vierges sacrées, les Saliens, les frères Arvales, les Lupercales, les Augures, sont toujours en nombre divi-

  1. Le fait de s’établir ensemble sur le même lieu n’entraîne point forcément le synœcisme, et chaque tribu peut encore demeurer maîtresse sur son propre terrain ; mais bientôt il n’y a plus qu’une seule maison commune pour le conseil et les magistrats. — (Thucyd. 2, 15. — Hérod. 1,170.)
  2. Quand l’on rapproche le mot attique τριττύς du mot ombrien trifo, on se demande aussitôt si la triple division de la Cité n’est pas d’institution purement gréco-italique. S’il en était ainsi, il faudrait alors ne plus voir dans la cité romaine l’ensemble d’un certain nombre de races indépendantes qui se seraient fondues en une seule société politique. Mais, pour en arriver là, il conviendrait de ne plus tenir aucun compte de la tradition. Et puis, comment alors la triple division ne se retrouverait-elle pas plus généralement dans les cités gréco-italiques, à l’état, on le répète, d’institution fondamentale ? Ce n’est peut-être qu’à leurs contacts avec Rome, et à l’influence prédominante des Romains, que les Ombriens ont dû l’usage du mot tribu : on ne le trouve pas, ce semble, chez les Osques.