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LIVRE I, CHAPITRE II

dans la direction propre à leur génie. Plus tard l’étude des faits et des langues en apprendra sans doute davantage. L’agriculture a certainement été pour les Gréco-Italiens comme pour tous les autres peuples, le germe et le noyau de la vie publique et privée ; et elle est restée l’inspiratrice du sentiment national. La maison, le foyer que le laboureur s’est construits à demeure au lieu de la hutte et de l’âtre mobile du berger, prennent bientôt place dans le monde moral et s’idéalisent dans la figure de la déesse Vesta, ou Ἑστία, la seule peut-être du panthéon helléno-grec qui ne soit pas indo-germaine, alors pourtant qu’elle est nationale chez les deux peuples. Une des plus anciennes traditions italiques fait honneur au roi Italus, ou, pour parler comme les indigènes, au roi Vitalus (ou Vitulus), d’avoir substitué le régime agricole à la vie pastorale : elle rattache, non sans raison, à ce grand fait la législation primitive de la contrée. Il faut attribuer le même sens à une autre légende ayant cours chez les Samnites : « Le bœuf de labour a conduit, disent-ils, les premières colonies ; » enfin on trouve dans les plus anciennes dénominations du peuple italiote celles des Siculi ou des Sicani (faucilleurs), celles des Opsci (travailleurs des champs). La légende des origines romaines est donc en contradiction avec les données de la légende commune, lorsqu’elle attribue la fondation de Rome à un peuple de pasteurs et de chasseurs. La tradition et les croyances, les lois et les mœurs, tout fait voir dans les Helléno-Italiens une famille essentiellement agricole[1].

  1. En veut-on une preuve plus saisissante encore ? On la trouve dans les rapports étroits par lesquels, dans les idées anciennes, le mariage et la fondation des villes se rattachaient aux usages agricoles. Les divinités qui président directement au mariage sont, chez les Italiens, Cérès et la Terre (Tellus), ou l’une ou l’autre des deux (Plutarch. Romul. 22 ; Servius, ad Œneid. 4, 166 ; Rossbach, Rœm. Ehe (mariage romain), p. 257, 301) ; chez les Grecs, Démêter (Plutarch. Conjug. prœc. ; préambul.).