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PREMIÈRES IMMIGRATIONS

dès lors trouvée. La langue semblerait même attester le contraire. Les noms gréco-latins des céréales ne se retrouvent point dans le sanskrit ; sauf le grec ζεά, et le sanskrit yavas, qui désignent l’orge chez les Indiens, l’épeautre (triticum spelta) chez les Grecs. Non que de cette concordance remarquable dans les noms d’animaux d’une part, et de cette dissemblance absolue dans ceux des plantes utiles, il faille nécessairement conclure à la non-possession par la race indo-européenne des éléments d’une agriculture commune. Les migrations et l’acclimatation des plantes sont en effet, dans les temps primitifs, bien plus difficiles que celles des animaux : puis la culture du riz par les Indiens, celle du froment et de l’épeautre par les Grecs et les Romains, et celle du seigle et de l’avoine par les Germains, peuvent fort bien se rattacher à un ensemble de connaissances pratiques appartenant originairement à la race mère. D’un autre côté la même appellation, donnée par les Indiens et les Grecs à une graminée, fait voir seulement qu’avant la séparation des peuples, ceux-ci recueillaient et mangeaient déjà l’orge et l’épeautre croissant à l’état sauvage dans les plaines de la Mésopotamie ; mais elle ne prouve pas qu’ils les aient spécialement cultivés[1]. Ne tranchons donc rien témérairement ; mais notons encore un certain nombre de mots légalement empruntés au sanskrit, et qui, dans leur acception toute générale sans doute, se rattachent pourtant à une culture déjà avancée. Tels sont : agras, la plaine, la campagne : kûrnu, mot à mot, le trituré, ou le broyé : aritram, le gouvernail ou le navire : venas, la chose agréable, et surtout la boisson

  1. Au nord-est d’Anah, sur la rive droite de l’Euphrate, poussaient à l’état sauvage l’orge, le froment et l’épeautre (Alph. de Candolle, Géographie politique raisonnée, t. II, p. 934). L’orge et le froment, indigènes en Mésopotamie, sont mentionnés par l’historien babylonien Bérose. (V. George la Syncelle, éd. de Bonn, p. 50.)