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LIVRE I, CHAPITRE II

attestée encore par deux faits : d’une part, on lit souvent dans les inscriptions les noms de divinités appartenant à la Grèce ; et, de l’autre, tandis que l’élément italiote a opiniâtrement résisté aux influences helléniques, les Japyges, au contraire, les ont acceptées avec une facilité surprenante. Au temps de Timée (vers l’an 400 de 350 av. J.-C.Rome), l’Apulie est décrite encore comme une terre barbare ; au vie siècle150 av. J.-C., sans le fait d’aucune colonisation directe par les Grecs, elle est devenue grecque à peu près complétement, et le rude peuple messapien laisse voir aussi les marques d’une semblable transformation. Nous croyons d’ailleurs que la science doit provisoirement arrêter ses conclusions à cette sorte de parenté générale ou d’affinité élective entre les Japyges et les Grecs ; en tous cas, il serait téméraire d’affirmer que la langue des Japyges n’a été qu’un rude idiome appartenant à la branche hellénique. Il conviendra d’ajourner tout système jusqu’à la découverte de documents plus concluants et plus sûrs[1]. Cette lacune nous cause après tout peu de regrets : quand l’histoire ouvre ses pages, déjà nous voyons cette race à demi éteinte descendre à jamais dans l’oubli. Absence de ténacité, fusionnement facile avec d’autres nations, tel est le caractère des Japyges : joignez-y la position géographique de leur contrée, et vous tiendrez pour vraisemblable

  1. On est allé jusqu’à admettre aussi l’existence d’une affinité quelconque entre l’idiome des Japyges et l’albanais moderne ; mais les points de comparaison sur lesquels s’appuie une telle doctrine sont vraiment en petit nombre et peu significatifs. Que si cette affinité de race était jamais reconnue ; que si, d’une autre part, les Albanais, qui, comme les Hellènes et les Italiotes, appartiennent à la souche indo-germanique, n’étaient qu’un débris de ces anciens peuples helléno-barbares, dont les traces fourmillent dans toute la Grèce, et surtout dans la région nord, il faudrait conclure de là que les races antéhelléniques devraient être aussi classées parmi les antéitaliques, sans que pour cela on dût aussitôt dire que les Japyges seraient venus en Italie par la voie de la mer Adriatique.