Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 1.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
LIVRE I, CHAP. XII

tions de la grâce et de la réconciliation divines avec les suggestions d’une fraude pieuse, qui s’efforce de tromper un maître redouté et de le satisfaire par un payement qui n’a rien de sérieux ! La crainte des dieux exerce donc une grande influence sur les esprits à Rome ; mais elle n’a rien de commun avec cet effroi que la nature souveraine ou la divinité toute-puissante inspirent aux peuples voués au panthéisme ou au monothéisme. Ici, elle est purement matérielle ; elle diffère à peine de la crainte que ressent le débiteur romain devant son créancier légal, exact autant que puissant ! Il se conçoit dès lors qu’une telle religion, loin de promouvoir et mûrir le génie artistique ou métaphysique, l’a dû aussitôt étouffer dans son germe. Chez les Grecs, au contraire, les mythes naïfs de l’antiquité primitive revêtirent promptement un corps de chair et de sang ; leurs notions de la Divinité devinrent les éléments des arts plastiques et poétiques ; elles atteignirent rapidement à l’universalité et à ces facultés d’expansion, apanage le plus vrai de la nature humaine, en même temps qu’elles sont la vertu innée de toute religion ici-bas. Par là, les visions les plus simples, dans l’ordre des choses naturelles, allèrent s’agrandissant et se faisant cosmogoniques ; les pures notions morales s’approfondirent et devinrent humanitaires ; et, durant de longs siècles, la religion hellénique embrassa sans peine tous les dogmes, physiques et métaphysiques, et toutes les conquêtes de la nation dans le domaine de l’idéal. Au fur et à mesure de ses progrès, elle marcha d’un pas égal, en profondeur et en largeur, jusqu’à ce que vint le jour où se brisa le vase rempli outre mesure par les effusions croissantes de la libre imagination et de la philosophie spéculative.

    rite qu’un reste d’anciens sacrifices humains. — [Il s’agit ici des Argées (Argei) jetés par les vestales dans le Tibre du haut du Pont de bois (Sublicius). V. p. 72, à la note.]