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LIVRE I, CHAP. V

peut lui ôter ni son fils ni son champ, ni même le frapper d’un impôt. Nul peuple, dans le cercle de ses droits politiques, n’a été aussi puissant que le peuple romain ; chez nul peuple pourtant, les citoyens, pourvu qu’ils vécussent sans commettre de délits, n’ont vécu dans une aussi complète indépendance les uns par rapport aux autres ou encore par rapport à l’État.

Ainsi se gouvernait la cité romaine, cité libre où le peuple savait obéir à son magistrat ; résister nettement à l’esprit de vertige sacerdotal ; pratiquer l’égalité complète devant la loi et entre tous ; marquer enfin tous ses actes à l’empreinte de sa nationalité propre : pendant que, d’un autre côté, comme la suite de notre récit le fera bien voir, il ouvrait avec générosité et intelligence la porte au commerce avec l’étranger. Une telle constitution n’est ni une création ni un emprunt : elle est née, elle a grandi dans le peuple, avec lui. Qu’elle plonge ses racines jusque dans les institutions primitives italiques, gréco-italiques, indo-germaniques, nul n’en doute ; mais quelle chaîne immense, infinie, de changements et de progrès politiques entre les institutions qu’Homère nous révèle, ou que Tacite a décrites dans sa Germanie, et les anciennes lois de la cité romaine ! Le vote par acclamation des Hellènes, les boucliers frappés à grand bruit par les Germains assemblés sont aussi, certes, la manifestation d’un pouvoir souverain : mais qu’il y a loin de ces modes primitifs à la compétence savamment ordonnée déjà, et au vote précis et régulier de l’assemblée des curies romaines ! Peut-être que la royauté, de même qu’elle avait emprunté son manteau de pourpre et son bâton d’ivoire aux Grecs (et non, comme on l’a dit, aux Étrusques), a pris aussi à l’étranger ses douze licteurs et l’appareil extérieur de sa dignité. Quoi qu’il en soit, et en quelque lieu que se place leur origine, les institutions politiques de Rome ne se sont, en réalité, formées que