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LIVRE I, CHAP. V

qu’il tient son titre de son prédécesseur[1]. C’est par là que « la protection divine qui avait présidé à la fondation de Rome, » a continué de reposer sur la tête des rois, se transmettant sans interruption de celui qui le premier l’avait reçue, à tous les successeurs. C’est ainsi que l’unité de l’État a persisté inviolable, malgré les changements survenus dans la personne de son chef. Le Roi est donc le représentant suprême de cette unité du peuple de Rome, symbolisée par le Diovis[2], dans le Panthéon romain. Son costume est pareil à celui du plus grand des dieux : il parcourt la ville en char, quand tout le monde va à pied : il tient un sceptre d’ivoire, surmonté de l’aigle : il a les joues fardées de rouge : comme le dieu romain, enfin, il porte la couronne d’or de feuilles de chêne. Toutefois, la constitution romaine n’est rien moins qu’une théocratie. Jamais en Italie les notions de Dieu et de Roi ne se sont fondues l’une dans l’autre, comme chez les Égyptiens ou les Orientaux. Le roi n’est point dieu aux yeux du peuple ; il est plutôt le propriétaire de la cité. On n’y rencontre pas la croyance en une famille faite royale par la grâce de Dieu ; en ce je ne sais quel charme mystérieux, qui

  1. On ne s’attend pas sans doute à nous voir apporter ici des témoignages directs sur les conditions et les formalités constitutionnelles relatives à l’élection du roi. Mais comme le dictateur romain a été nommé absolument de la même manière ; comme l’élection du consul ne diffère de l’autre qu’en ce que le peuple avait un droit de désignation préalable et obligatoire, manifestement et incontestablement né d’une révolution postérieure, tandis que la nomination proprement dite avait continué d’appartenir exclusivement au consul sortant de charge ou à l’interroi ; comme enfin la dictature et le consulat ne sont autre chose au fond que la royauté continuée, notre opinion nous semble pleinement démontrée. L’élection par les curies serait sans doute régulière, des documents dignes de foi nous l’enseignent : mais elle n’est pas le moins du monde nécessaire, au point de vue de la loi : ce que la légende raconte de la nomination de Servius Tullius en est la preuve. D’ordinaire elle fut abandonnée au peuple (contione advocata) ; et la désignation par acclamation fut regardée plus tard comme une élection véritable.
  2. Ou Jupiter romain. Dii-Jovis (v. Preller, h. vo.)