Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 1.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LIVRE I, CHAP. V

père et qu’elle n’est point mariée. Eux seuls, et non le prince, ont droit de justice sur elle.

Mais, sous le toit conjugal, loin d’être asservie, elle est maîtresse. Suivant l’usage romain, écraser le grain sous la meule, vaquer aux travaux de la cuisine, constituent la tâche imposée à la domesticité ; ici, la mère de famille exerce une haute surveillance ; puis elle tient le fuseau, qui, pour elle, est comme la charrue dans les mains du mari[1].

Les devoirs moraux des parents envers leurs enfants étaient profondément gravés dans le cœur du Romain. C’était un crime à leurs yeux que de négliger un fils, que de le gâter, que de dissiper le bien patrimonial à son préjudice. D’un autre côté, le père dirige et conduit la famille (pater familias) selon la loi de sa volonté suprême. En face de lui, tout ce qui vit dans la maison est absolument sans aucun droit : le bœuf comme l’esclave, la femme comme l’enfant. La vierge, devenue épouse par le libre choix de l’époux, a cessé d’être libre ; l’enfant qu’elle lui donne, et qu’il s’agit d’élever, n’aura pas davantage son libre arbitre. Et qu’on ne suppose pas

  1. Citons une inscription funéraire, appartenant sans doute à une date plus récente, mais qui mérite peut-être de figurer ici. C’est la pierre tombale qui parle :
    PASSANT : BREF EST MON DISCOURS. ARRÊTE-TOI, ET LIS :
    CETTE PIERRE RECOUVRE UNE BELLE FEMME ;
    SES PARENTS L’AVAIENT APPELÉE CLAUDIA ;
    ELLE AIMA SON MARI DE SON SEUL AMOUR ;
    ELLE ENGENDRA DEUX FILS ; ELLE EN A LAISSÉ UN VIVANT ;
    ELLE A ENFOUI L’AUTRE DANS LE SEIN DE LA TERRE ;
    ELLE FUT AIMABLE EN SES DISCOURS, ET NOBLE DANS SA DÉMARCHE ;
    ELLE GARDA SA MAISON, ET FILA. — J’AI FINI ! PASSE !

    D’autres et fréquentes inscriptions énumèrent d’une façon curieuse le talent de filer la laine parmi les vertus morales de la femme. (Orelli, 4639 : optima et pulcherrima, LANIFICA pia pudica frugi casta domiseda.— Ibid., 4861 : Modestia probitate pudicitia obsequio LANIFICIO diligentia fide par similisque ceteris probeis femina fuit.)