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LÉLIE

Ah ! je ne serai plus de tes plaintes l’objet.
Tu ne me diras plus, toi qui toujours me cries,
Que je gâte en brouillon toutes tes fourberies :
J’ai bien joué moi-même un tour des plus adroits.
Il est vrai, je suis prompt et m’emporte parfois ;
Mais pourtant, quand je veux, j’ai l’imaginative
Aussi bonne, en effet, que personne qui vive ;
Et toi-même avoueras que ce que j’ai fait, part
D’une pointe d’esprit où peu de monde a part.

MASCARILLE

Sachons donc ce qu’a fait cette imaginative.

LÉLIE

Tantôt, l’esprit ému d’une frayeur bien vive
D’avoir vu Trufaldin avecque mon rival,
Je songeais à trouver un remède à ce mal,
Lorsque, me ramassant tout entier en moi-même,
J’ai conçu, digéré, produit un stratagème
Devant qui tous les tiens, dont tu fais tant de cas,
Doivent sans contredit mettre pavillon bas.

MASCARILLE

Mais qu’est-ce ?

LÉLIE

Mais qu’est-ce ? Ah ! s’il te plaît, donne-toi patience.
J’ai donc feint une lettre avecque diligence,
Comme d’un grand seigneur écrite à Trufaldin,
Qui mande qu’ayant su par un heureux destin
Qu’une esclave qu’il tient sous le nom de Célie
Est sa fille autrefois par des voleurs ravie