Page:Molière - Théâtre complet, 1922, tome01.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LETTRE

Le Ciel, dont la bonté prend souci de ma vie,
Vient de me faire ouïr par un bruit assez doux
Que ma fille, à quatre ans par des voleurs ravie,
Sous le nom de Célie est esclave chez vous.
Si vous sûtes jamais ce que c’est qu’être père,
Et vous trouvez sensible aux tendresses du sang,
Conservez-moi chez vous cette fille si chère,
Comme si de la vôtre elle tenait le rang.
Pour l’aller retirer, je pars d’ici moi-même,
Et vous vais de vos soins récompenser si bien,
Que, par votre bonheur, que je veux rendre extrême,
Vous bénirez le jour où vous causez le mien.

Don Pedro De Gusman,
Marquis de Montalcane.
De Madrid.
TRUFALDIN

Quoiqu’à leur nation bien peu de foi soit due,
Ils me l’avaient bien dit, ceux qui me l’ont vendue,
Que je verrais dans peu quelqu’un la retirer,
Et que je n’aurais pas sujet d’en murmurer ;
Et cependant j’allais, par mon impatience,
Perdre aujourd’hui les fruits d’une haute espérance.
(Au courrier.)
Un seul moment plus tard, tous vos pas étaient vains :
J’allais mettre à l’instant cette fille en ses mains.
Mais suffit, j’en aurai tout le soin qu’on désire.
(À Mascarille.)
Vous-même vous voyez ce que je viens de lire.
Vous direz à celui qui vous a fait venir
Que je ne lui saurais ma parole tenir ;
Qu’il vienne retirer son argent.