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PANDOLFE

Est-ce jeu, dites-nous, ou bien si c’est folie,
Qui traite de défunt une personne en vie ?

ANSELME

Hélas ! vous êtes mort, et je viens de vous voir.

PANDOLFE

Quoi ! j’aurais trépassé sans m’en apercevoir ?

ANSELME

Sitôt que Mascarille en a dit la nouvelle,
J’en ai senti dans l’âme une douleur mortelle.

PANDOLFE

Mais, enfin, dormez-vous ? êtes-vous éveillé ?
Me connaissez-vous pas ?

ANSELME

Me connaissez-vous pas ?Vous êtes habillé
D’un corps aérien qui contrefait le vôtre,
Mais qui, dans un moment, peut devenir tout autre.
Je crains fort de vous voir comme un géant grandir,
Et tout votre visage affreusement laidir.
Pour Dieu, ne prenez point de vilaine figure ;
J’ai prou de ma frayeur en cette conjoncture.

PANDOLFE

En une autre saison, cette naïveté
Dont vous accompagnez votre crédulité,
Anselme, me serait un charmant badinage,
Et j’en prolongerais le plaisir davantage ;
Mais, avec cette mort, un trésor supposé,
Dont parmi les chemins on m’a désabusé,