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LÉLIE

Non, je serai prudent, te dis-je, ne crains rien :
Tu verras seulement…

MASCARILLE

Tu verras seulement…Souvenez-vous-en bien.
J’ai commencé pour vous un hardi stratagème :
Votre père fait voir une paresse extrême
À rendre par sa mort tous vos désirs contents ;
Je viens de le tuer, de parole, j’entends ;
Je fais courir le bruit que d’une apoplexie
Le bonhomme surpris a quitté cette vie ;
Mais avant, pour pouvoir mieux feindre ce trépas,
J’ai fait que vers sa grange il a porté ses pas.
On est venu lui dire, et par mon artifice,
Que les ouvriers qui sont après son édifice,
Parmi les fondements qu’ils en jettent encor,
Avaient fait par hasard rencontre d’un trésor.
Il a volé d’abord ; et, comme à la campagne
Tout son monde à présent, hors nous deux, l’accompagne,
Dans l’esprit d’un chacun je le tue aujourd’hui,
Et produis un fantôme enseveli pour lui.
Jouez bien votre rôle, et, pour mon personnage,
Si vous apercevez que j’y manque d’un mot,
Dites absolument que je ne suis qu’un sot.

LÉLIE, seul.

Son esprit, il est vrai, trouve une étrange voie
Pour adresser mes vœux au comble de leur joie ;
Mais quand d’un bel objet on est bien amoureux,
Que ne ferait-on pas pour devenir heureux ?
Si l’amour est au crime une assez belle excuse,
Il en peut bien servir à la petite ruse