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l’on n’avait guère songé à peindre les mœurs. » L’Étourdi, pièce de début, est conforme au goût des contemporains. Molière s’y montre d’ailleurs bon imitateur. On trouve dans son ouvrage des emprunts faits à divers auteurs, mais il paraît s’être inspiré surtout d’une pièce italienne, due à un acteur de la troupe des Gelosi, Nicolas Barbieri, dit Beltrame, et publiée à Turin en 1629 sous le titre de l’Inavvertito overo Scappino disturbato e Mezzetino travagliato, « le Malavisé ou Scapin dérangé et Mezzetin tourmenté ».

On ignore quel accueil l’Étourdi reçut en province. Nous sommes mieux renseignés sur celui que lui réserva Paris.

Molière y vint tenter la fortune à la fin de l’année 1658. Il avait obtenu la protection de Monsieur, frère du roi, et le 24 octobre, dans la salle des gardes du Vieux-Louvre, il joua Nicomède devant « leurs Majestés et toute la cour ». Il parut ensuite sur le théâtre, et les supplia d’écouter une farce de son répertoire, le Docteur amoureux. Le roi fut enchanté et lui accorda la salle du Petit-Bourbon, située près de Saint-Germain l’Auxerrois, au lieu même où Claude Perrault devait, huit ans plus tard, commencer d’édifier la colonnade du Louvre. La faveur du public fut plus difficile à conquérir que celle du monarque. Il semble que Molière, pour se concilier l’opinion, déploya des qualités d’entregent et de souplesse dont un adversaire tel que de Villiers ne manqua point de lui faire grief et de mettre les effets sur le compte de la brigue.

Comme Molière, écrit-il, « avait de l’esprit, et qu’il savait ce qu’il fallait faire pour réussir, il n’ouvrit son théâtre qu’après avoir fait plusieurs visites et brigué quantité d’approbateurs. Il fut trouvé incapable de jouer aucunes pièces sérieuses ; mais l’estime que l’on commençait à avoir pour lui fut cause que l’on le souffrît »[1].

  1. Nouvelles nouvelles. Paris. Pierre Bienfaict. 1663