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Et sans un mal de cœur sauroit-on l’écouter ?

henriette.

Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,
Ma sœur…[1] ?

armande.

Ma sœur… ? Ah, mon Dieu ! fi !

henriette.

Ma sœur… ? Ah, mon Dieu ! fi ! Comment ?

armande.

Ma sœur… ? Ah, mon Dieu ! fi ! Comment ? Ah, fi ! vous dis-je.
Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,
10Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
De quelle étrange image on est par lui blessée ?
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur[2] ?


    puyer sur oui, devait faire aspirer ce dernier mot ; oui est également aspiré, et par une raison analogue, aux vers 353, 361 et 1591, 1075 (comparez tome VIII, p. 114). Il y avait, du reste, plutôt non-élision ou non-liaison qu’aspiration, ou du moins il n’y avait qu’une aspiration très-légère, comme on le voit par la remarque de Vaugelas (p. 194 de l’édition de 1670). « Ce mot veut que l’on prononce celui qui le précède tout de même que s’il y avoit une h consonante devant oui et que l’on écrivît houi, excepté que l’h ne s’aspireroit point… On prononce donc un oui et non pas un noui… Ainsi, quoique l’on écrive cet oui, on prononce néanmoins ce oui, comme s’il n’y avoit point de t, et ces oui, comme s’il n’y avoit point d’s à ces… » L’interjection ouais se détachait de même : voyez au vers 1583. — Quand oui est immédiatement uni par la prononciation au mot précédent, quand, par exemple, à la fin d’une phrase, il a le sens d’assurément, il ne s’aspire pas du tout et l’e qui précède s’élide : voyez ci-après, p. 88, note 1 au vers 397, et aussi, p. 93, note 4 au vers 443.

  1. Comme l’indiquent ces points suspensifs de l’édition originale, la phrase est interrompue, et oblige, qui termine le vers précédent, est à prendre dans son acception la plus ordinaire ; la pensée qu’Henriette n’a pas le temps d’exprimer est évidemment : «… qui vous oblige, qui vous force, ma sœur, d’en montrer une telle horreur. »
  2. Armande nous fait songer ici à la dernière déclaration de Cathos, à la fin de la scène iv des Précieuses (tome II, p. 68). On sent bien, dès le début, que Molière, pour lui avoir donné un langage beaucoup plus relevé, n’a pas voulu faire d’elle une de ces héroïnes chez qui est toute sincère et naturelle la « délicatesse et de termes et de pensées » que les deux