fait il est mort. Descendons maintenant pour lui donner cent coups. Serviteur Messieurs, je vous rends grâce de m’avoir délivré de cette bête, maintenant que vous l’avez tuée, je m’en vais l’achever, et en triompher avec vous.
Ces heureux chasseurs, n’eurent pas plus tôt remporté cette victoire, que Moron,devenu brave par l’éloignement du péril, voulut aller donner mille coups à la bête, qui n’était plus en état de se défendre, et fit tout ce qu’un fanfaron,qui n’aurait pas été trop hardi, eût pu faire en cette occasion ; et les chasseurs pour témoigner leur joie, dansèrent une fort belle entrée ; c’étaient les sieurs Chicanneau, Baltazard, Noblet, Bonard, Manceau, Magny, et La Pierre.
ACTE II
Le Prince d’Ithaque et la Princesse eurent une conversation fort galante sur la course des chars qui se préparait : elle avait dit auparavant à une des princesses ses parentes, que l’insensibilité du Prince d’Ithaque lui donnait de la peine et lui était honteuse : qu’encore qu’elle ne voulût rien aimer, il était bien fâcheux de voir qu’il n’aimait rien ; et que quoi qu’elle eût résolu de n’aller point voir les courses, elle s’y voulait rendre, dans le dessein de tâcher à triompher de la liberté d’un homme qui la chérissait si fort. Il était facile de juger que le mérite de ce Prince produisait son effet ordinaire, que ses belles qualités avaient touché ce cœur superbe : et commencé à fondre une partie de cette glace qui avait résisté jusques alors à toutes les ardeurs de l’Amour, et plus il affectait (par le conseil de Moron qu’il avait gagné, et qui connaissait fort le cœur de la Princesse) de paraître insensible, quoiqu’il ne fût que trop amoureux, plus la Princesse se mettait dans la tête de l’engager, quoiqu’elle n’eût pas fait dessein de s’engager elle-même. Les Princes de Messène et de Pyle prirent lors congé d’elle pour s’aller préparer aux courses, et lui parlant de l’espérance qu’ils avaient de vaincre, par le désir qu’ils sentaient de lui plaire : celui d’Ithaque lui témoigna au contraire, que n’ayant jamais rien aimé, il allait essayer de vaincre pour sa propre satisfaction, ce qui la piqua encore davantage, et qui l’engagea à vouloir soumettre un cœur déjà assez soumis, mais qui savait déguiser ses sentiments le mieux du monde.
Scène première
La Princesse
Oui, j’aime à demeurer dans ces paisibles lieux,
On n’y découvre rien qui n’enchante les yeux,
Et de tous nos palais la savante structure
Cède aux simples beautés qu’y forme la nature :
Ces arbres, ces rochers, cette eau, ces gazons frais
Ont pour moi des appas à ne lasser jamais.
Aglante
Je chéris comme vous ces retraites tranquilles
Où l’on se vient sauver de l’embarras des villes ;
De mille objets charmants ces lieux sont embellis,
Et ce qui doit surprendre, est qu’aux portes d’Elis
La douce passion de fuir la multitude
Rencontre une si belle, et vaste solitude :
Mais à vous dire vrai dans ces jours éclatants
Vos retraites ici me semblent hors de temps,
Et c’est fort maltraiter l’appareil magnifique
Que chaque prince a fait pour la fête publique :
Ce spectacle pompeux de la course des chars
Devrait bien mériter l’honneur de vos regards.
La Princesse
Quel droit ont-ils chacun d’y vouloir ma présence,