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surtout les mauvais auteurs du temps, leurs protecteurs et leurs cabales : ils suscitèrent contre lui les dévots ; on lui imputa des livres scandaleux ; on l’accusa d’avoir joué des nommes puissants, tandis qu’il n’avait joué que les vices en général, et il eût succombé sous ces accusations si ce même roi, qui encouragea et qui soutint Racine et Despréaux, n’eût pas aussi protégé Molière.

Il n’eut, à la vérité, qu’une pension de mille livres, et sa troupe n’en eut qu’une de sept. La fortune qu’il fit par le succès de ses ouvrages le mit en état de n’avoir rien de plus à souhaiter : ce qu’il retirait du théâtre avec ce qu’il avait placé allait à trente mille livres de rente, somme qui, en ce tempslà, faisait presque le double de la valeur réelle de pareille somme d’aujourd’hui 1 .

Le crédit qu’il avait auprès du roi paraît assez par le canonicat qu’il obtint pour le fils de son médecin. Ce médecin s’appelait Mauvilain. Tout le monde sait qu’étant un jour au dîner du roi : « Vous avez un médecin, dit le roi à Molière, que vous fait-il ? — Sire, répondit Molière, nous causons ensemble ; il m’ordonne des remèdes, je ne les fais point, et je guéris. »

Il faisait de son bien un usage noble et sage ; il recevait chez lui des hommes de la meilleure compagnie, les Chapelle, les Jonsac, les Desbarreaux, etc., qui joignaient la volupté et la philosophie. Il avait une maison de campagne à Auteuil, où il se délassait souvent avec eux des fatigues de sa profession, qui sont bien plus grandes qu’on ne pense. Le maréchal de Vivonne, connu par son esprit et par son amitié pour Despréaux, allait souvent chez Molière et vivait avec lui comme Lélius avec Térence. Le grand Condé exigeait de lui qu’il le vînt voir souvent, et disait qu’il trouvait toujours à apprendre dans sa conversation.

Molière employait une partie de son revenu en libéralités, qui allaient beaucoup plus loin que ce qu’on appelle dans d’autres hommes des charités. Il encourageait souvent par des présents considérables de jeunes auteurs qui marquaient du talent : c’est peut-être à Molière que la France doit Racine. Il engagea le jeune Racine, qui sortait de Port-Royal, à travailler pour le théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. Il lui fit composer la tragédie de Thêagène et Chariclée ; et, quoique cette pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune 1. De nos jours la différence serait bien plus forte. (F. L.)