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Et ne souffrira point que l’on batte ses gens.

Amphitryon.

Laissez-moi m’assouvir dans mon courroux extrême,
Et laver mon affront au sang d’un scélérat.

Naucratès.

Nous ne souffrirons point cet étrange combat
D’Amphitryon contre lui-même.

Amphitryon.

Quoi ? mon honneur de vous reçoit ce traitement ?
Et mes amis d’un fourbe embrassent la défense ?
Loin d’être les premiers à prendre ma vengeance,
Eux-mêmes font obstacle à mon ressentiment ?

Naucratès.

Que voulez-vous qu’à cette vue
Fassent nos résolutions,
Lorsque par deux Amphitryons
Toute notre chaleur demeure suspendue ?
À vous faire éclater notre zèle aujourd’hui,
Nous craignons de faillir et de vous méconnaître.
Nous voyons bien en vous Amphitryon paraître,
Du salut des Thébains le glorieux appui ;
Mais nous le voyons tous aussi paraître en lui,
Et ne saurions juger dans lequel il peut être.
Notre parti n’est point douteux,
Et l’imposteur par nous doit mordre la poussière ;
Mais ce parfait rapport le cache entre vous deux ;
Et c’est un coup trop hasardeux
Pour l’entreprendre sans lumière.
Avec douceur laissez-nous voir
De quel côté peut être l’imposture ;
Et dès que nous aurons démêlé l’aventure,
Il ne nous faudra point dire notre devoir.

Jupiter.

Oui, vous avez raison ; et cette ressemblance
À douter de tous deux vous peut autoriser.
Je ne m’offense point de vous voir en balance :
Je suis plus raisonnable, et sais vous excuser.
L’œil ne peut entre nous faire de différence,
Et je vois qu’aisément on s’y peut abuser.