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ELMIRE.

Et d’un Dur mouvement…Je le prends bien ainsi,
Et crois que mon salut vous donne ce souci.

TARTUFFE, prenant la main d’Elmire et lui serrant les doigts.

Oui, madame, sans doute ; et ma faveur est telle…

ELMIRE.

Ouf ! vous me serrez trop.

TARTUFFE.

Ouf ! vous me serrez trop.C’est par excès de zèle.
De vous faire aucun mal je n’eus jamais dessein.
Et j’aurois bien plutôt…

Il met la main sur les genoux d’Elmire.
ELMIRE.

Et j’aurois bien plutôt…Que fait là votre main ?

TARTUFFE.

Je tâte votre habit : l’étoffe en est moelleuse.

ELMIRE.

Ah ! de grâce, laissez ; je suis fort chatouilleuse.

Elmire recule son fauteuil, et Tartuffe se rapproche d’elle.
TARTUFFE, maniant le fichu d’Elmire.

Mon Dieu ! que de ce point l’ouvrage est merveilleux !
On travaille aujourd’hui d’un air miraculeux :
Jamais, en toute chose, on n’a vu si bien faire.

ELMIRE.

Il est vrai ; mais parlons un peu de notre affaire.
On tient que mon mari veut dégager sa foi,
Et vous donner sa fille. Est-il vrai ? dites-moi.

TARTUFFE.

Il m’en a dit deux mots ; mais, madame ; à vrai dire,
Ce n’est pas le bonheur après quoi je soupire,
Et je vois autre part les merveilleux attraits
De la félicité qui fait tous mes souhaits.

ELMIRE.

C’est que vous n’aimez rien des choses de la terre.

TARTUFFE.

Mon sein n’enferme pas un cœur qui soit de pierre.

ELMIRE.

Pour moi, je crois qu’au ciel tendent tous vos soupirs,
Et que rien ici-bas n’arrête vos désirs.