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Sire, qu’il ne faut plus que je songe à faire des comédies si les tartuffes ont l’avantage ; qu’ils prendront droit par là de me persécuter plus que jamais, et voudront trouver à redire aux choses les plus innocentes qui pourront sortir de ma plume.

Daignent vos bontés, Sire, me donner une protection contre leur rage envenimée ! et puissé-je, au retour d’une campagne si glorieuse, délasser Votre Majesté des fatigues de ses conquêtes, lui donner d’innocens plaisirs après de si nobles travaux, et faire rire le monarque qui fait trembler toute l’Europe !



TROISIÈME PLACET
PRÉSENTÉ AU ROI, LE 5 FÉVRIER 1669.

Sire,

Un fort honnête médecin[1], dont j’ai l’honneur d’être le malade, me promet et veut s’obliger par-devant notaire de me faire vivre encore trente années, si je puis lui obtenir une grâce de Votre Majesté. Je lui ai dit, sur sa promesse, que je ne lui demandois pas tant, et que je serois satisfait de lui, pourvu qu’il s’obligeât de ne me point tuer. Cette grâce. Sire, est un canonicat de votre chapelle royale de Vincennes, vacant par la mort de…

Oserois-je demander encore cette grâce à Votre Majesté le propre jour de la grande résurrection de Tartuffe, ressuscité par vos bontés ? Je suis, par cette première faveur, réconcilié avec les dévots : et je le serois, par cette seconde, avec les médecins. C’est pour moi, sans doute, trop de grâces à la fois ; mais peut-être n’en est-ce pas trop pour Votre Majesté ; et j’attends, avec un peu d’espérance respectueuse, la réponse de mon placet.

  1. Mauvillain médecin de Molière.