Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 01.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Le Docteur

En peu de mots, sans façon, sans vous amuser à beaucoup de discours, tranchez-moi d’un apophthegme, vite, vite, monsieur Gorgibus, dépêchons, évitez la prolixité.

Gorgibus

Laissez-moi donc parler.

Le Docteur

Monsieur Gorgibus, touchez là, vous parlez trop ; il faut que quelque autre me dise la cause de leur querelle.

Villebrequin

Monsieur le docteur, vous saurez que…

Le Docteur

Vous êtes un ignorant, un indocte, un homme ignare de toutes les bonnes disciplines, un âne en bon français. Eh quoi ! vous commencez la narration sans avoir fait un mot d’exorde ! Il faut que quelque autre me conte le désordre. Mademoiselle, contez-moi un peu le détail de ce vacarme.

Angélique

Voyez-vous bien là mon gros coquin, mon sac à vin de mari ?

Le Docteur

Doucement, s’il vous plaît ; parlez avec respect de votre époux, quand vous êtes devant la moustache d’un docteur comme moi.

Angélique

Ah ! vraiment oui, docteur ! Je me moque bien de vous et de votre doctrine, et je suis docteur quand je veux.

Le Docteur

Tu es docteur quand tu veux ? Ouais ! Je pense que tu es un plaisant docteur. Tu as la mine de suivre fort ton caprice : des parties d’oraison, tu n’aimes que la conjonction ; des genres, que le masculin ; des déclinaisons, le génitif ; de la syntaxe, mobile cum fixo ; et enfin de la quantité, tu n’aimes que le dactyle, quia constat ex una longa et duabus brevibus. Venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause, le sujet de votre combustion.

Le Barbouillé

Monsieur le docteur…