une tendresse extrême, et je ne saurois me résoudre à lui donner du déplaisir. Faites, agissez auprès d’elle ; employez tous vos soins à gagner son esprit. Vous pouvez faire et dire tout ce que vous voudrez ; je vous en donne la licence ; et, s’il ne tient qu’à me déclarer en votre faveur, je veux bien consentir à lui faire un aveu, moi-même, de tout ce que je sens pour vous.
Frosine, ma pauvre Frosine, voudrois-tu nous servir ?
Par ma foi, faut-il le demander ? Je le voudrois de tout mon cœur. Vous savez que, de mon naturel, je suis assez humaine. Le ciel ne m’a point fait l’âme de bronze, et je n’ai que trop de tendresse à rendre de petits services, quand je vois des gens qui s’entr’aiment en tout bien et en tout honneur. Que pourrions-nous faire à ceci ?
Songe un peu, je te prie.
Ouvre-nous des lumières.
Trouve quelque invention pour rompre ce que tu as fait.
Ceci est assez difficile. (À Mariane.) Pour votre mère, elle n’est pas tout à fait déraisonnable, et peut-être pourroit-on la gagner et la résoudre à transporter au fils le don qu’elle veut faire au père. (À Cléante.) Mais le mal que j’y trouve, c’est que votre père est votre père.
Cela s’entend.
Je veux dire qu’il conservera du dépit si l’on montre qu’on le refuse, et qu’il ne sera point d’humeur ensuite à donner son consentement à votre mariage. Il faudroit, pour bien faire, que le refus vînt de lui-même, et tâcher, par quelque moyen, de le dégoûter de votre personne.
Tu as raison.
Oui, j’ai raison, je le sais bien. C’est là ce qu’il faudroit,