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béralde.

Quoi ! qu’y a-t-il ?

argan.

Je n’en puis plus. Je sens déjà que la médecine se venge.

béralde.

Ma foi, mon frère, vous êtes fou ; et je ne voudrois pas, pour beaucoup de choses, qu’on vous vît faire que ce vous faites. Tâtez-vous un peu, je vous prie ; revenez à vous-même, et ne donnez point tant à votre imagination.

argan.

Vous voyez, mon frère, les étranges maladies dont il m’a menacé.

béralde.

Le simple homme que vous êtes !

argan.

Il dit que je deviendrai incurable avant qu’il soit quatre jours.

béralde.

Et ce qu’il dit, que fait-il à la chose ? Est-ce un oracle qui a parlé ? Il semble, à vous entendre, que monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours, et que, d’autorité suprême, il vous l’allonge et vous le raccourcisse comme il lui plaît. Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir que ses remèdes de vous faire vivre. Voici une aventure, si vous voulez, à vous défaire des médecins ; ou, si vous êtes né à ne pouvoir vous en passer, il est aisé d’en avoir un autre, avec lequel, mon frère, vous puissiez courir un peu moins de risque.

argan.

Ah ! mon frère, il sait tout mon tempérament, et la manière dont il faut me gouverner.

béralde.

Il faut vous avouer que vous êtes un homme d’une grande prévention, et que vous voyez les choses avec d’étranges yeux.


Scène VIII.

ARGAN, BÉRALDE, TOINETTE.
toinette, à Argan.

Monsieur, voilà un médecin qui demande à vous voir.