Vos chevaux, Monsieur ? Ma foi, ils ne sont point du tout en état de marcher. Je ne vous dirai point qu’ils sont sur la litière : les pauvres bêtes n’en ont point, et ce serait fort mal parler ; mais vous leur faites observer des jeûnes si austères, que ce ne sont plus rien que des idées ou des fantômes, des façons de chevaux.
Les voilà bien malades ! ils ne font rien.
Et, pour ne faire rien, Monsieur, est-ce qu’il ne faut rien manger ? Il leur vaudroit bien mieux, les pauvres animaux, de travailler beaucoup, de manger de même. Cela me fend le cœur de les voir ainsi exténués. Car, enfin, j’ai une tendresse pour mes chevaux, qu’il me semble que c’est moi-même, quand je les vois pâtir. Je m’ôte tous les jours pour eux les choses de la bouche ; et c’est être, Monsieur, d’un naturel trop dur, que de n’avoir nulle pitié de son prochain.
Le travail ne sera pas grand d’aller jusqu’à la foire.
Non, Monsieur, je n’ai pas le courage de les mener, et je ferois conscience de leur donner des coups de fouet, en l’état où ils sont. Comment voudriez-vous qu’ils traînassent un carrosse, qu’ils ne peuvent pas se traîner eux-mêmes ?
Monsieur, j’obligerai le voisin Picard à se charger de les conduire ; aussi bien nous fera-t-il ici besoin pour apprêter le souper.
Soit. J’aime mieux encore qu’ils meurent sous la main d’un autre que sous la mienne.
Maître Jacques fait bien le raisonnable !
Monsieur l’intendant fait bien le nécessaire !
Paix.
Monsieur, je ne saurois souffrir les flatteurs ; et je vois que ce qu’il en fait, que ses contrôles perpétuels sur le pain