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quelque conspiration contre vos intérêts, où elle pousse votre père.

angélique.

Qu’il dispose de son bien à sa fantaisie, pourvu qu’il ne dispose point de mon cœur. Tu vois, Toinette, les desseins violents que l’on fait sur lui. Ne m’abandonne point, je te prie, dans l’extrémité où je suis.

toinette.

Moi, vous abandonner ! J’aimerois mieux mourir. Votre belle-mère a beau me faire sa confidente, et me vouloir jeter dans ses intérêts, je n’ai jamais pu avoir d’inclination pour elle ; et j’ai toujours été de votre parti. Laissez-moi faire ; j’emploierai toute chose pour vous servir ; mais, pour vous servir avec plus d’effet, je veux changer de batterie, couvrir le zèle que j’ai pour vous, et feindre d’entrer dans les sentiments de votre père et de votre belle-mère.

angélique.

Tâche, je t’en conjure, de faire donner avis à Cléante du mariage qu’on a conclu.

toinette.

Je n’ai personne à employer à cet office, que le vieux usurier Polichinelle, mon amant ; et il m’en coûtera pour cela quelques paroles de douceur, que je veux bien dépenser pour vous. Pour aujourd’hui, il est trop tard ; mais demain, de grand matin, je l’envoierai querir, et il sera ravi de…


Scène XI.

BÉLINE, dans la maison ; ANGÉLIQUE, TOINETTE.
béline.

Toinette !

toinette, à Angélique.

Voilà qu’on m’appelle. Bonsoir. Reposez-vous sur moi[1].

  1. Dans un parallèle fort ingénieux entre le Malade imaginaire et le Tartuffe M. Petitot a indiqué, pour la première fois, plusieurs rapports entre la situation d’Argan et celle d’Orgon. Ces deux personnages sont égarés par leur faiblesse et leur crédulité ; tous deux ont une fille qui doit être sacrifiée ; tous deux sont contredits par une suivante qui exerce un grand empire dans la maison ; enfin tous deux sont mariés en secondes noces, et ont un frère honnête homme qui emploie divers moyens pour les ramener à la raison. La situation est donc absolument la même. Pour lui donner de la nouveauté, il a suffi à l’auteur de changer les passions des personnages, de peindre d’autres ridicules, et de créer d’autres caractères : c’est ce qu’il a fait d’une manière si heureuse, que jusqu’à ce jour la ressemblance des deux situations avoit échappé à tous les commentateurs. (Aimé Martin.)