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Harpagon

Ah ! que cela est bien dit ! Approche, que je t’embrasse pour ce mot. Voilà la plus belle sentence que j’aie entendue de ma vie : Il faut vivre pour manger, et non pas manger pour vi… Non, ce n’est pas cela. Comment est-ce que tu dis ?

Valère

Qu’il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger[1].

Harpagon, à maître Jacques.

Oui. Entends-tu ? (À Valère.) Qui est le grand homme qui a dit cela ?

Valère

Je ne me souviens pas maintenant de son nom.

Harpagon

Souviens-toi de m’écrire ces mots : je les veux faire graver en lettres d’or sur la cheminée de ma salle.

Valère

Je n’y manquerai pas. Et, pour votre souper, vous n’avez qu’à me laisser faire ; je réglerai tout cela comme il faut.

Harpagon

Fais donc.

Maître Jacques

Tant mieux ! j’en aurai moins de peine.

Harpagon, à Valère.

Il faudra de ces choses dont on ne mange guère, et qui rassasient d’abord ; quelque bon haricot bien gras, avec quelque pâté en pot bien garni de marrons. Là, que cela foisonne.

Valère

Reposez-vous sur moi.

Harpagon

Maintenant, maître Jacques, il faut nettoyer mon carrosse.

Maître Jacques

Attendez. Ceci s’adresse au cocher. (Il remet sa casaque.) Vous dites…

Harpagon

Qu’il faut nettoyer mon carrosse, et tenir mes chevaux tout prêts pour conduire à la foire…

  1. Ede ut vivas, ne vivas ut edas. (Adage latin)