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ACTE V, SCÈNE III.

Chrysale.
Nous verrons si ma femme à mes desirs rebelle…

Clitandre.
La voici qui conduit le notaire avec elle.

Chrysale.
Secondez-moi bien tous.

Martine.
Secondez-moi bien tous. Laissez-moi, j’aurai soin
De vous encourager, s’il en est de besoin.


Scène III.

Philaminte, Bélise, Armande, Trissotin, un notaire, Chrysale, Clitandre, Henriette, Martine[1].


Philaminte, au notaire.
Vous ne sauriez changer votre style sauvage,
Et nous faire un contrat qui soit en beau langage ?

le notaire.
Notre style est très bon ; et je serois un sot,
Madame, de vouloir y changer un seul mot.

Bélise.
Ah ! quelle barbarie au milieu de la France !
Mais au moins en faveur, monsieur, de la science,
Veuillez, au lieu d’écus, de livres, et de francs,
Nous exprimer la dot en mines et talents ;
Et dater par les mots d’ides et de calendes.

le notaire.
Moi ? Si j’allois, madame, accorder vos demandes,
Je me ferois siffler de tous mes compagnons.

Philaminte.
De cette barbarie en vain nous nous plaignons.
Allons, monsieur, prenez la table pour écrire.
(Apercevant Martine.)
Ah ! ah ! cette impudente ose encor se produire ?
Pourquoi donc, s’il vous plaît, la ramener chez moi ?

  1. Les Femmes savantes fournissent une nouvelle preuve de l’art avec lequel Molière savait choisir ses acteurs. — « Il avait opposé à sa Philaminte, à son Armande, à sa Bélise, la simplicité rustique, mais pleine de sens et de naturel, de la bonne Martine. On croit peut-être qu’il chargea une de ses actrices de remplir ce rôle ? Non : il le confia à une de ses servantes qui portait le nom de ce personnage, et qui, sans aucun doute, avait, à son insu, fourni plus d’un trait, pour le peindre, au génie observateur de son maître. Dirigée par Molière et la nature, cette actrice improvisée ne dut rien laisser à désirer. » (Taschereau.)