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LES FEMMES SAVANTES.

Il te met dans la foule ainsi qu’un misérable ;
Il croit que c’est assez d’un coup pour t’accabler,
Et ne t’a jamais fait l’honneur de redoubler.
Mais il m’attaque à part comme un noble adversaire
Sur qui tout son effort lui semble nécessaire ;
Et ses coups, contre moi redoublés en tous lieux,
Montrent qu’il ne se croit jamais victorieux.

Vadius.
Ma plume t’apprendra quel homme je puis être.

Trissotin.
Et la mienne saura te faire voir ton maître.

Vadius.
Je te défie en vers, prose, grec, et latin.

Trissotin.
Hé bien ! nous nous verrons seul à seul chez Barbin[1].


Scène VI.

Trissotin, Philaminte, Armande, Bélise, Henriette.


Trissotin.
À mon emportement ne donnez aucun blâme ;
C’est votre jugement que je défends, madame,
Dans le sonnet qu’il a l’audace d’attaquer.

Philaminte.
À vous remettre bien je me veux appliquer ;
Mais parlons d’autre affaire. Approchez, Henriette ;
Depuis assez longtemps mon âme s’inquiète
De ce qu’aucun esprit en vous ne se fait voir ;
Mais je trouve un moyen de vous en faire avoir.

Henriette.
C’est prendre un soin pour moi qui n’est pas nécessaire :
Les doctes entretiens ne sont point mon affaire ;
J’aime à vivre aisément ; et, dans tout ce qu’on dit,
Il faut se trop peiner, pour avoir de l’esprit ;
C’est une ambition que je n’ai point en tête.

  1. Une scène semblable à celle de Trissotin et de Vadius avait eu lieu entre Ménage et Cotin, chez Mademoiselle, fille de Gaston de France. Le sujet de la dispute avait été précisément le Sonnet à mademoiselle de Longueville, intitulé par Molière : Sonnet à la princesse Uranie. En cette partie de la pièce, Molière, dit un contemporain, ne fit que rimer agréablement les douceurs que les deux poëtes se dirent l’un à l’autre.