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LES FEMMES SAVANTES.

Et ma grande raison, c’est que j’en suis l’auteur.

Vadius.
Vous ?

Trissotin.
Vous ? Moi.

Vadius.
Vous ? Moi. Je ne sais donc comment se fit l’affaire.

Trissotin.
C’est qu’on fut malheureux de ne pouvoir vous plaire.

Vadius.
Il faut qu’en écoutant j’aie eu l’esprit distrait,
Ou bien que le lecteur m’ait gâté le sonnet.
Mais laissons ce discours, et voyons ma ballade.

Trissotin.
La ballade, à mon goût, est une chose fade :
Ce n’en est plus la mode ; elle sent son vieux temps.

Vadius.
La ballade pourtant charme beaucoup de gens.

Trissotin.
Cela n’empêche pas qu’elle ne me déplaise.

Vadius.
Elle n’en reste pas pour cela plus mauvaise.

Trissotin.
Elle a pour les pédants de merveilleux appas.

Vadius.
Cependant nous voyons qu’elle ne vous plaît pas.

Trissotin.
Vous donnez sottement vos qualités aux autres.

(Ils se lèvent tous.)


Vadius.
Fort impertinemment vous me jetez les vôtres.

Trissotin.
Allez, petit grimaud, barbouilleur de papier.

Vadius.
Allez, rimeur de balle[1], opprobre du métier.

  1. « Balle, en termes d’agriculture, est une petite paille, capsule ou gousse qui sert d’enveloppe au grain dans l’épi. » (Trévoux.)

    Si balle est ici dans ce sens, rimeur de balle serait une métaphore prise d’un objet qui, devant être rembourré de plume ou de crin, ne l’est que de balle, et ainsi d’une valeur réelle très-inférieure à l’apparence ; mais cela parait forcé.

    Trévoux explique rimeur de balle, par l’allusion à la balle des marchands forains : « On appelle rimeur de balle un poète dont les vers sont si mauvais,