Martine.
Mon Dieu, je n’avons pas étugué comme vous,
Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous.
Philaminte.
Ah ! peut-on y tenir ?
Bélise.
Quel solécisme horrible !
Philaminte.
En voilà pour tuer une oreille sensible.
Bélise.
Ton esprit, je l’avoue, est bien matériel !
Je n’est qu’un singulier ; avons, est pluriel[1].
Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ?
Martine.
Qui parle d’offenser grand’mère ni grand-père ?
Philaminte.
Ô Ciel !
Bélise.
Grammaire est prise à contre-sens par toi,
Et je t’ai dit déjà d’où vient ce mot.
Martine.
Ma foi,
Qu’il vienne de Chaillot, d’Auteuil, ou de Pontoise,
Cela ne me fait rien.
Bélise.
Quelle âme villageoise !
La grammaire, du verbe et du nominatif,
Comme de l’adjectif avec le substantif,
Nous enseigne les lois.
Martine.
J’ai, madame, à vous dire
Que je ne connois point ces gens-là.
Philaminte.
Quel martyre !
- ↑ Le Fidèle, comédie de Larivey, offre une scène entre une servante et un pédant, ou Molière a peut-être trouvé l’idée des deux solécismes de Martine. Voici le passage. La servante dit : « Le seigneur Fidèle sont-il en la maison ? » Le pédant répond : « Femina proserva, rude, indocte, impérite, ignare, qui t’a enseigné à parler de cette façon ? Tu as fait une faute en grammaire, une discordance au nombre, parceque fidèle est numeri singularis, et sont, numeri pluralis. — Toutes ces vôtres niaiseries ne m’importent rien. » Le pédant répond : « En ce sens on ne dit pas ne m’importe rien, parce que duæ negationis affirmant. » (Aimé Martin.)