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LES FEMMES SAVANTES.

Ils prendroient aisément le soin de se baisser.

Armande.
À répondre à cela je ne daigne descendre ;
Et ce sont sots discours qu’il ne faut pas entendre.

Henriette.
C’est fort bien fait à vous, et vous nous faites voir
Des modérations qu’on ne peut concevoir.


Scène III.

Clitandre, Henriette.

Henriette.
Votre sincère aveu ne l’a pas peu surprise.

Clitandre.
Elle mérite assez une telle franchise ;
Et toutes les hauteurs de sa folle fierté
Sont dignes, tout au moins de ma sincérité.
Mais, puisqu’il m’est permis, je vais à votre père,
Madame…

Henriette.
Madame… Le plus sûr est de gagner ma mère.
Mon père est d’une humeur à consentir à tout ;
Mais il met peu de poids aux choses qu’il résout ;
Il a reçu du ciel certaine bonté d’ame,
Qui le soumet d’abord à ce que veut sa femme.
C’est elle qui gouverne, et, d’un ton absolu,
Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu.
Je voudrois bien vous voir pour elle et pour ma tante,
Une ame, je l’avoue, un peu plus complaisante,
Un esprit qui, flattant les visions du leur,
Vous pût de leur estime attirer la chaleur.

Clitandre.
Mon cœur n’a jamais pu, tant il est né sincère,
Même dans votre sœur flatter leur caractère ;
Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût.
Je consens qu’une femme ait des clartés de tout :
Mais je ne lui veux point la passion choquante
De se rendre savante afin d’être savante ;
Et j’aime que souvent, aux questions qu’on fait,
Elle sache ignorer les choses qu’elle sait :
De son étude enfin je veux qu’elle se cache ;
Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache,