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NOTICE.

placent avec raison au rang du Tartuffe et du Misanthrope, fut représentée sur le théâtre du Palais-Royal, le 11 mars 1672.

« Elle fut reçue, dit Voltaire, d’abord assez froidement : mais les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville, et un mot du roi lui donna ceux de la cour. L’intrigue, qui en effet a quelque chose de plus plaisant que celle du Misanthrope, soutint la pièce longtemps. Enfin, plus on la vit, plus on admira comment Molière avait pu jeter tant de comique sur un sujet qui paraissait fournir plus de pédanterie que d’agrément. »

Quelques écrivains ont cru devoir prendre, au nom du beau sexe, parti contre Molière. Ils lui ont reproché d’avoir voulu, dans cette comédie, réduire la culture de l’esprit des femmes au gouvernement du pot au feu, d’avoir fait de Chrysale un pédant de ménage, et d’avoir, en préconisant l’ignorance, retardé l’essor de l’éducation. Cette thèse a été soutenue entre autres, par Thomas qui, dans son fade Panégyrique des femmes, a dit que Molière « a mis la folie à la place de la raison, et qu’il a trouvé l’effet théâtral plus que la vérité. » Mais la grande majorité des critiques, à partir du père Rapin le jésuite, jusqu’à Geoffroy le feuilletonniste, a donné gain de cause à notre poëte ; et l’on peut même dire que ce qui s’est passé depuis deux siècles dans la société française, justifie complètement la donnée morale des Femmes savantes, à savoir que les femmes, en cherchant à forcer leur talent et leur vocation, à sortir de la destinée de leur sexe, n’arrivent souvent qu’à l’impuissance et au ridicule. La lignée d’Armande et Bélise s’est perpétuée sous des noms divers jusqu’à notre temps, comme pour rendre la pièce du grand comique d’une vérité toujours présente. Au dix-huitième siècle, Bélise, devenue la maîtresse d’un athée ou d’un abbé, remplace Descartes par le baron d’Holbach, et la sentimentalité innocemment nuageuse de mademoiselle de Scudéry, par le positivisme du chevalier de Berlin. Bientôt Bélise renonce à la philosophie pour la politique ; la voilà journaliste. Puis nous la retrouvons ronmancière, dramaturge, poëte : mais comme elle reste invendue, elle se croit incomprise et travaille par dépit à désubalterniser son sexe, à réformer la société qui n’achète pas ses livres. Partis des précieuses, nous arrivons de la sorte à la femme réformatrice, en passant par les femmes savantes, les femmes philosophes, les femmes romanesques, les femmes romantiques, les femmes libres, les femmes bas bleus, les femmes phalanstériennes, les femmes incomprises. Les modes ont beau changer, sous leurs toilettes nouvelles nous reconnaissons encore Armande et Bélise ; et Molière a toujours raison. Seulement c’était la pruderie qui distinguait les précieuses ; c’est le contraire qui distingue souvent celles qui leur ont succédé.