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SCÈNE XXI.

La Comtesse.

Mais vraiment, monsieur le receveur, vous ne songez pas à ce que vous dites. On ne traite point de la sorte les femmes de qualité ; et ceux qui vous entendent croiroient qu’il y a quelque chose d’étrange entre vous et moi.

Monsieur Harpin.

Hé ! ventrebleu ! madame, quittons la faribole.

La Comtesse.

Que voulez-vous donc dire, avec votre Quittons la faribole ?

Monsieur Harpin.

Je veux dire que je ne trouve point étrange que vous vous rendiez au mérite de monsieur le vicomte ; vous n’êtes pas la première femme qui joue dans le monde de ces sortes de caractères, et qui ait auprès d’elle un monsieur le receveur, dont on lui voit trahir et la passion et la bourse pour le premier venu qui lui donnera dans la vue. Mais ne trouvez point étrange aussi que je ne sois point la dupe d’une infidélité si ordinaire aux coquettes du temps, et que je vienne vous assurer, devant bonne compagnie, que je romps commerce avec vous, et que monsieur le receveur ne sera plus pour vous monsieur le donneur.

La Comtesse.

Cela est merveilleux, comme les amants emportés deviennent à la mode ! On ne voit autre chose de tous côtés. Là, là, monsieur le receveur, quittez votre colère, et venez prendre place pour voir la comédie.

Monsieur Harpin.

Moi, morbleu ! prendre place ? (Montrant monsieur Tibaudier.) Cherchez vos benêts à vos pieds. Je vous laisse, madame la comtesse, à monsieur le vicomte ; et ce sera à lui que j’envoierai tantôt vos lettres. Voilà ma scène faite, voilà mon rôle joué. Serviteur à la compagnie.

Monsieur Tibaudier.

Monsieur le receveur, nous nous verrons autre part qu’ici ; et je vous ferai voir que je suis au poil et à la plume.

Monsieur Harpin, en sortant.

Tu as raison, Monsieur Tibaudier.

La Comtesse.

Pour moi, je suis confuse de cette insolence.

Le Vicomte.

Les jaloux, madame, sont comme ceux qui perdent leur