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LA COMTESSE D’ESCARBAGNAS

sont point mes jurements ; ce sont vos actions ; et il vaudroit bien mieux que vous jurassiez, vous, la tête, la mort et le sang, que de faire ce que vous faites avec monsieur le vicomte.

Le Vicomte.

Je ne sais pas, monsieur le receveur, de quoi vous vous plaignez ; et si…

Monsieur Harpin, au vicomte.

Pour vous, monsieur, je n’ai rien à vous dire : vous faites bien de pousser votre pointe, cela est naturel, je ne le trouve point étrange, et je vous demande pardon si j’interromps votre comédie ; mais vous ne devez point trouver étrange aussi que je me plaigne de son procédé ; et nous avons raison tous deux de faire ce que nous faisons.

Le Vicomte.

Je n’ai rien à dire à cela, et ne sais point les sujets de plaintes que vous pouvez avoir contre madame la comtesse d’Escarbagnas.

La Comtesse.

Quand on a des chagrins jaloux, on n’en use point de la sorte ; et l’on vient doucement se plaindre à la personne que l’on aime.

Monsieur Harpin.

Moi, me plaindre doucement !

La Comtesse.

Oui. L’on ne vient point crier de dessus un théâtre ce qui se doit dire en particulier.

Monsieur Harpin.

J’y viens moi, morbleu ! tout exprès ; c’est le lieu qu’il me faut ; et je souhaiterois que ce fût un théâtre public, pour vous dire avec plus d’éclat toutes vos vérités.

La Comtesse.

Faut-il faire un si grand vacarme pour une comédie que monsieur le vicomte me donne ? Vous voyez que Monsieur Tibaudier, qui m’aime, en use plus respectueusement que vous.

Monsieur Harpin.

Monsieur Tibaudier en use comme il lui plaît ; je ne sais pas de quelle façon monsieur Tibaudier a été avec vous ; mais monsieur Tibaudier n’est pas un exemple pour moi, et je ne suis point d’humeur à payer les violons pour faire danser les autres.