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LA COMTESSE D’ESCARBAGNAS

Monsieur Tibaudier.

Voici encore, madame, deux petits versets ou couplets que j’ai composés à votre honneur et gloire.

Le Vicomte.

Ah ! je ne pensais pas que monsieur Tibaudier fût poëte ; et voilà pour m’achever, que ces deux petits versets-là !

La Comtesse.

Il veut dire deux strophes. (À Criquet.) Laquais, donnez un siége à monsieur Tibaudier. (Bas, à Criquet, qui apport une chaise.) Un pliant, petit animal[1]. Monsieur Tibaudier, mettez-vous là, et nous lisez vos strophes.

Monsieur Tibaudier.

  Une personne de qualité
      Ravit mon ame
     Elle a de la beauté,
      J’ai de la flamme ;
      Mais je la blâme
     D’avoir de la fierté.

Le Vicomte.

Je suis perdu après cela.

La Comtesse.

Le premier vers est beau. Une personne de qualité.

Julie.

Je crois qu’il est un peu trop long ; mais on peut prendre une licence pour dire une belle pensée.

La Comtesse, à monsieur Tibaudier.

Voyons l’autre strophe.

Monsieur Tibaudier.

Je ne sais pas si vous doutez de mon parfait amour,
    Mais je sais bien que mon cœur, à toute heure,
     Veut quitter sa chagrine demeure,
  Pour aller, par respect, faire au vôtre sa cour.
  Après cela pourtant, sûre de ma tendresse,
    Et de ma foi, dont unique est l’espèce,
      Vous devriez à votre tour,
      Vous contentant d’être comtesse,
Vous dépouiller en ma faveur d’une peau de tigresse,
  Qui couvre vos appas la nuit comme le jour.

  1. La différence des sièges, tels que fauteuils, chaises sans bras, pliants, tabourets, était à la cour une manière de marquer graduellement le rang des personnes.