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SCÈNE III.

La Comtesse.

Et il ne vous a rien dit ?

Julie.

Non, Madame ; et il a voulu témoigner par là qu’il est tout entier à vos charmes.

La Comtesse.

Vraiment, je le veux quereller de cette action. Quelque amour que l’on ait pour moi, j’aime que ceux qui m’aiment rendent ce qu’ils doivent au sexe ; et je ne suis point de l’humeur de ces femmes injustes qui s’applaudissent des incivilités que leurs amants font aux autres belles.

Julie.

Il ne faut point, madame, que vous soyez surprise de son procédé. L’amour que vous lui donnez éclate dans toutes ses actions, et l’empêche d’avoir des yeux que pour vous.

La Comtesse.

Je crois être en état de pouvoir faire naître une passion assez forte, et je me trouve pour cela assez de beauté, de jeunesse, et de qualité, Dieu merci ; mais cela n’empêche pas qu’avec ce que j’inspire, on ne puisse garder de l’honnêteté et de la complaisance pour les autres. (Apercevant Criquet.) Que faites-vous donc là, laquais ? Est-ce qu’il n’y a pas une antichambre où se tenir, pour venir quand on vous appelle ? Cela est étrange, qu’on ne puisse avoir en province un laquais qui sache son monde ! À qui est-ce donc que je parle ? Voulez-vous vous en aller là dehors, petit fripon ?


Scène III.

La Comtesse, Julie, Andrée.
La Comtesse, à Andrée.

Fille, approchez.

Andrée.

Que vous plaît-il, Madame ?

La Comtesse.

Ôtez-moi mes coiffes. Doucement donc, maladroite : comme vous me saboulez la tête avec vos mains pesantes !

Andrée.

Je fais, madame, le plus doucement que je puis.

La Comtesse.

Oui, mais le plus doucement que vous pouvez est fort rudement pour ma tête, et vous me l’avez déboîtée. Tenez