jourd’hui me divertira davantage. Notre comtesse d’Escarbagnas, avec son perpétuel entêtement de qualité, est un aussi bon personnage qu’on en puisse mettre sur le théâtre. Le petit voyage qu’elle a fait à Paris l’a ramenée dans Angoulême plus achevée qu’elle n’étoit. L’approche de l’air de la cour a donné à son ridicule de nouveaux agréments, et sa sottise tous les jours ne fait que croître et embellir.
Oui ; mais vous ne considérez pas que le jeu qui vous divertit tient mon cœur au supplice, et qu’on n’est point capable de se jouer longtemps, lorsqu’on a dans l’esprit une passion aussi sérieuse que celle que je sens pour vous. Il est cruel, belle Julie, que cet amusement dérobe à mon amour un temps qu’il voudroit employer à vous expliquer son ardeur ; et, cette nuit, j’ai fait là-dessus quelques vers, que je ne puis m’empêcher de vous réciter, sans que vous me le demandiez, tant la démangeaison de dire ses ouvrages est un vice attaché à la qualité de poëte !
C’est trop longtemps, Iris, me mettre à la torture ;
Iris, comme vous le voyez, est mis là pour Julie.
C’est trop longtemps, Iris, me mettre à la torture,
Et, si je suis vos lois, je les blâme tout bas
De me forcer à taire un tourment que j’endure,
Pour déclarer un mal que je ne ressens pas.
Faut-il que vos beaux yeux, à qui je rends les armes,
Veuillent se divertir de mes tristes soupirs ?
Et n’est-ce pas assez de souffrir pour vos charmes,
Sans me faire souffrir encor pour vos plaisirs ?
C’en est trop à la fois que ce double martyre ;
Et ce qu’il me faut taire, et ce qu’il me faut dire
Exerce sur mon cœur pareille cruauté.
L’amour le met en feu, la contrainte le tue ;
Et, si par la pitié vous n’êtes combattue,
Je meurs et de la feinte, et de la vérité.
Je vois que vous vous faites là bien plus maltraité que vous n’êtes ; mais c’est une licence que prennent messieurs les poëtes de mentir de gaieté de cœur, et de donner à leurs maîtresses des cruautés qu’elles n’ont pas, pour s’ac