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Acte III, scène II.

belître ; et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. « Est-ce que tu es des amis dé cé Géronte ? » Oui, monsieur, j’en suis. « Ah ! cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. » (Donnant plusieurs coups de bâton sur le sac.) « Tiens boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, ah, ah, monsieur. Ah, ah, monsieur, tout beau. Ah, doucement. Ah, ah, ah. « Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah[1] !

Géronte

Ah ! Scapin, je n’en puis plus !

Scapin.

Ah ! Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.

Géronte.

Comment ! c’est sur les miennes qu’il a frappé.

Scapin.

Nenni, Monsieur, c’étoit sur mon dos qu’il frappoit.

Géronte.

Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien encore.

Scapin.

Non, vous dis-je, ce n’est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules.

Géronte.

Tu devois donc te retirer un peu plus loin, pour m’épargner…

Scapin

Prenez garde. En voici un autre qui a la mine d’un étranger. (Cet endroit est le même que celui du Gascon, pour le changement de langage, et le jeu de théâtre.) « Parti, moi courir comme une Basque, et moi ne pouvre point troufair de tout le jour sti diable de Gironte. » Cachez-vous bien. « Dites-moi un peu, fous, montsir l’homme, s’il ve plaît, fous, safoir point où l’est sti Gironte que moi cherchair ? » Non, monsieur, je ne sais point où est Géronte. « Dites-moi-le vous frenche-

  1. Molière a pris l’idée de cette scène dans Tabarin, comme l’indique la critique de Boileau. On peut voir le passage qui lui a servi de modèle, dans le recueil général des œuvres et fantaisies de Tabario, seconde partie, page 131, édition de Rouen ; 1629.