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Les Fourberies de Scapin.

soit assaisonné de certaines cérémonies qu’on trouve nécessaires.

Scapin.

C’est là aussi comme il l’entend. Il ne prétend à vous qu’en tout bien et en tout honneur ; et je n’aurois pas été homme à me mêler de cette affaire, s’il avait une autre pensée.

Zerbinette.

C’est ce que je veux croire, puisque vous me le dites ; mais, du côté du père, j’y prévois des empêchements.

Scapin.

Nous trouverons moyen d’accommoder les choses.

Hyacinte, à Zerbinette.

La ressemblance de nos destins doit contribuer encore à faire naître notre amitié ; et nous nous voyons toutes deux dans les mêmes alarmes, toutes deux exposées à la même infortune.

Zerbinette.

Vous avez cet avantage au moins, que vous savez de qui vous êtes née, et que l’appui de vos parents, que vous pouvez faire connoître, est capable d’ajuster tout, peut assurer votre bonheur, et faire donner un consentement au mariage qu’on trouve fait. Mais, pour moi, je ne rencontre aucun secours dans ce que je puis être ; et l’on me voit dans un état qui n’adoucira pas les volontés d’un père qui ne regarde que le bien.

Hyacinte.

Mais aussi avez-vous cet avantage, que l’on ne tente point, par un autre parti, celui que vous aimez.

Zerbinette.

Le changement du cœur d’un amant n’est pas ce qu’on peut le plus craindre. On se peut naturellement croire assez de mérite pour garder sa conquête ; et ce que je vois de plus redoutable dans ces sortes d’affaires, c’est la puissance paternelle, auprès de qui tout le mérite ne sert de rien.

Hyacinte.

Hélas ! pourquoi faut-il que de justes inclinations se trouvent traversées ? La douce chose que d’aimer, lorsque l’on ne voit point d’obstacle à ces aimables chaînes dont deux cœurs se lient ensemble !