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Acte II, scène XI.

Géronte.

Tu trouveras une grosse clef du côté gauche, qui est celle de mon grenier.

Scapin.

Oui.

Géronte.

Tu iras prendre toutes les hardes qui sont dans cette grande manne, et tu les vendras aux fripiers, pour aller racheter mon fils.

Scapin, en lui rendant la clef.

Eh, Monsieur ! rêvez-vous ? Je n’aurois pas cent francs de tout ce que vous dites ; et, de plus, vous savez le peu de temps qu’on m’a donné[1].

Géronte.

Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?

Scapin.

Oh ! que de paroles perdues ! Laissez là cette galère, et songez que le temps presse, et que vous courez risque de perdre votre fils. Hélas ! mon pauvre maître ! peut-être que je ne te verrai de ma vie, et qu’à l’heure que je parle, on t’emmène esclave en Alger. Mais le ciel me sera témoin que j’ai fait pour toi tout ce que j’ai pu ; et que, si tu manques à être racheté, il n’en faut accuser que le peu d’amitié d’un père.

Géronte.

Attends, Scapin, je m’en vais quérir cette somme.

Scapin.

Dépêchez donc vite, monsieur ; je tremble que l’heure ne sonne.

Géronte.

N’est-ce pas quatre cents écus que tu dis ?

Scapin.

Non : cinq cents écus.

Géronte.

Cinq cents écus !

  1. Dans le Pédant joué, le vieillard dit à Corbinelli : « Va prendre dans mes armoires ce pourpoint découpé que quitta feu mon père l’année du grand hiver. » Ce trait est du meilleur comique, et Molière l’a embelli en le mettant en action. La colère de Géronte contre les Turcs, qui n’ont pas de conscience, la distraction qui lui fait remettre la bourse dans sa poche, tout ce qui suit enfin, appartient à Molière.
    (Aimé Martin.)