Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/454

Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
Les Fourberies de Scapin.

gné de même, ne se trouvera point lorsqu’on plaidera votre cause, ou dira des raisons qui ne feront que battre la campagne, et n’iront point au fait. Le greffier délivrera par contumace des sentences et arrêts contre vous. Le clerc du rapporteur soustraira des pièces, ou le rapporteur même ne dira pas ce qu’il a vu ; et quand, par les plus grandes précautions du monde, vous aurez paré tout cela, vous serez ébahi que vos juges auront été sollicités contre vous, ou par des gens dévots, ou par des femmes qu’ils aimeront. Eh ! monsieur, si vous le pouvez, sauvez-vous de cet enfer-là. C’est être damné dès ce monde que d’avoir à plaider ; et la seule pensée d’un procès serait capable de me faire fuir jusqu’aux Indes.

Argante.

À combien est-ce qu’il fait monter le mulet ?

Scapin.

Monsieur, pour le mulet, pour son cheval, et celui de son homme, pour le harnois et les pistolets, et pour payer quelque petite chose qu’il doit à son hôtesse, il demande en tout deux cents pistoles.

Argante.

Deux cents pistoles ?

Scapin.

Oui.

Argante, se promenant en colère.

Allons, allons ; nous plaiderons.

Scapin.

Faites réflexion.

Argante.

Je plaiderai.

Scapin.

Ne vous allez pas jeter…

Argante.

Je veux plaider.

Scapin.

Mais pour plaider, il vous faudra de l’argent. Il vous en faudra pour l’exploit ; il vous en faudra pour le contrôle ; il vous en faudra pour la procuration, pour la présentation, les conseils, productions, et journées du procureur. Il vous en faudra pour les consultations et plaidoiries des avocats, pour le droit de retirer le sac, et pour les grosses d’écri-